Conférence sur l'évolution des connaissances en lutherie de 1890 à 1970

 

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1890 - 1970. L'évolution des connaissances en lutherie

Mirecourt , 5 Juin 2009, 50ème congrès du Glaaf.

 

Je dédie cette conférence à Evelyne Bonnetat, qui m’a donné l’envie de faire des recherches sur le passé de ma ville d’adoption.

Pour élaborer cette conférence, j’ai disposé de tant de matière que, si je me suis énormément instruit moi-même, j’ai eu aussi le sentiment qu’il était impossible de faire partager un siècle de connaissances à l’oral sans être affreusement rébarbatif. Je vais malgré tout essayer.

En premier lieu j’ai utilisé la bibliographie sur la lutherie que j’ai élaborée pour l’exposition de la bibliothèque. Elle montre chronologiquement l’apparition des ouvrages utiles au monde de la lutherie.

Ensuite, et grâce à Vincent Lainé qui les avait remis au musée, j’ai disposé des cahiers de cours de Victor Somny, élève à l’école Thibouville en 1890.

Amable chevrier.Enfin, j’ai disposé d’un carnet d’Amable Chevrier, qui m’a été confié par son arrière petit neveu, et dont, je tire, sans en dévoiler l’intégralité, un état des connaissances de l’époque, en l’occurrence 1876, date du début de sa rédaction.

C’est donc ce document qui m’a donné la vraie date de départ de ma recherche, et si l’on compte jusqu’à la fondation de la deuxième école mirecurtienne, par Etienne Vatelot, Jean Bauer, et quelques autres pionniers cela constitue presqu'un siècle d’histoire de la profession. Vaste programme !

Amable Chevrier était né en 1823, dix ans avant son frère Joseph Amable qui est directeur chez Thibouville. Il a donc 53 ans et est installé à Cherbourg lorsqu’il rédige ces lignes truculentes. Celles ci constituent, et ce n’est peut être pas seulement un hasard, la trame des cours que recevra le jeune Victor Somny, âgé lui de 15 ans lors de son entrée à l’école professionnelle.

L’évolution des connaissances théoriques avant cette date n’est pas inintéressante, mais elle dépend presque exclusivement du lieu de son apprentissage. Selon que l’on apprenait son métier à Paris ou en province et, à Mirecourt, selon que l’on sortait de chez Breton ou de chez Didier Nicolas Aîné par exemple.

 

Penchons nous donc pour commencer sur les livres :

Bien qu’ayant élaboré une bibliographie internationale, je présuppose que les luthiers « d’avant nous » lisaient difficilement le latin, l’italien, l’anglais et l’allemand, et je n’ai donc pris en compte (sauf à de rares exceptions) que les ouvrages français les traductions.

Souvent nous ne connaissons ces livres que pour les avoirs vu cités par des auteurs plus récents.

Les plus anciens ouvrages sont souvent restés dans les sphères intellectuelles et vous devinerez aisément à leur annonce ceux qui ont atterri sur les établis, ou du moins sur les tables de lecture de nos jeunes luthiers en formation, puis au fur et à mesure de l’avancement de cette conférence, vous reconnaîtrez vos propres livres de chevet.

 

Le plus ancien texte date de 1556. C’est le texte de Jambe de Fer, qui contient la première mention du violon dans sa forme actuelle. (l’Epitome musical)

Le deuxième, de 1620 est le manuscrit de Théodor Turquet de Mayerne, ouvrage sur la peinture, qui décrit aussi de nombreuses méthodes de vernis, et leurs recettes (en particulier le vernis à l’ambre commercialisé de nos jours, et la méthode du glacis.). Rien ne prouve que nos luthiers aient eu accès à cet ouvrage en latin, pas plus qu’à l’harmonie universelle de Marin Mersenne et à son ouvrage sur les nouveaux instruments, publiés dans cette langue en 1636 et 1644.

En 1716, paraît ce qui est peut être le premier ouvrage d’acoustique concernant les instruments à cordes, écrit par Joseph Sauveur : « Rapport des sons des cordes d’instruments de musique, aux flèches des cordes ; et nouvelle détermination des sons fixes. » puis en 1724 l’ouvrage de De Maupertuis Sur la forme des instruments de musique.

En 1740 Hubert Le Blanc écrit sa célèbre « Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle. »

Pour la culture générale, c’est de 1751 à 1777 que parait l’encyclopédie Diderot et d’Alembert.

J’ai découvert en faisant cette bibliographie qu’en 1758, Jean Jacques Rousseau avait écrit un « Dictionnaire de musique. »

En 1773 parait la première édition de l’ouvrage de référence concernant le vernis « L’art du peintre, doreur, vernisseur. » Connu sous le nom de « Watin ». 50 ans plus tard, on en sera à la neuvième édition.

1794 est l’année de la rédaction d’un inventaire sous la terreur d’Antonio Bruni. livre qui sera cité par tous les auteurs postérieurs.

1802 voit la sortie  du livre d’Ernest Chladni : « Die Akustik », publié la même année en français sous le titre de Traité d’acoustique.

C’est une année extrêmement importante pour la lutherie qui voit la publication de La Chélonomie ou le parfait luthier, écrit par l’Abbé Antoine Sibire. Il faut noter que ce premier descriptif de notre profession est inspiré par Lupot.

En 1803 sort le Traité sur les vernis, de Pierre Tingry.

En 1817 François Chanot, sort son « Mémoire sur le violon-guitare » puis en 1819, Félix Savart publie le sien sur la construction des instruments à cordes et à archet. ». Le vent de l’innovation souffle fort en ce début du 19ème.

Cela m’amène un premier commentaire : Les livres sont souvent écrits pour promouvoir une idée nouvelle, rarement pour décrire la méthode usuelle de l’époque. C’est le cas des deux précédents, pas de la « Chélomonie » de l’abbé Sibire par exemple.

            Deuxième manuel de lutherie emblématique, le manuel du luthier de Jean-Claude Maugin parait en 1834. Il décrit la construction des violons, altos, basses et contre basses ; de la Guitare et de l’Archet.

En 1836, Cyprien Desmarais publie « Archéologie du violon. Description d’un violon historique et monumental (déposé chez M. Chanot, luthier). » En réalité cet ouvrage est seulement une publicité pour Florentine Chanot première femme luthier à ce jour !

De 1838 à 1844 de Fétis : Biographie universelle de la Musique et des Musiciens et bibliographie générale de la Musique.

En 1845 parait un  Essai sur les instruments de musique au moyen âge (e) Instruments à cordes frottées (De Coussemaker).

En cette moitié du 19ème siècle, la cadence de publication va s’accélérer, et des noms d’historiens, de musicologues vont s’imposer.

1856 voit ainsi la publication du premier ouvrage de François-Joseph Fétis, son célèbre «Antoine Stradivari. Livre parlant aussi de Tourte. Cet ouvrage sera réédité dès 1864 !

La même année et du même auteur : Exposé historique de la formation et des variations des systèmes dans la fabrication des instruments de musique.

1857 : Premier ouvrage d’Adolphe de Pontécoulant  « Essai sur la facture instrumentale, considérée dans ses rapports avec l'art, l'industrie et le commerce. »

1859 : paraît cette année là un ouvrage sur le vernis qui sera cité par tous les auteurs postérieurs : le Mailand. « Découverte des anciens vernis italiens employés pour les instruments à cordes et à archets. » Sans juger de l’aspect historique de la méthode, cet ouvrage explique comment transférer les couleurs d’un vernis à l’alcool dans un vernis d’une autre nature.

Si l’on croit ce qui s’est écrit, c’est après sa lecture que Jean-Baptiste Vuillaume a enfin trouvé une recette satisfaisante.

En 1861 Adolphe de Pontécoulant continue sa carrière d’écrivain organologue avec un « Essai sur la facture instrumentale. », et en 1864 un ouvrage sur le Musée instrumental.

1867  Jules Gallay entre dans la course avec comme premier ouvrage « Les instruments à archets à l’exposition universelle de 1867. »

La même année, à Grenoble, Victor Grivel publie en toute modestie « Vernis des anciens luthiers d’Italie perdu depuis le milieu du 18e siècle, retrouvé par V. Grivel, artiste à Grenoble. ».

L’année suivante Fétis, puis De Pontécoulant publient chacun un compte-rendu de l’Exposition universelle de 1867.

En 1868 Antoine Marius Richelme, luthier marseillais édite « Études et observations sur la lutherie ancienne et moderne. « 

En 1869 Oscar Comettant publie « La musique, les musiciens et les instruments de musique chez les différents peuples du monde. » Incluant lui aussi l’Exposition Universelle de 1867.

1869, Jules Gallay réédite le Parfait luthier de l’abbé SIBIRE, suivie de notes sur les maîtres des diverses écoles. »

En 1869, réédition du « Manuel complet du luthier » dans le cadre des manuels pratiques Roret. »

En 1872 Jules Gallay s’intéresse aux «  instruments des écoles italiennes, tandis que l’année suivante, Richelme plaide pour une forme nouvelle dans un livre intitulé : « Renaissance du violon et de ses analogues d'après de nouvelles lois acoustiques plaidant en faveur de la facilité de l'exécution et des grands effets de sonorité. »

En 1874 Victor-Charles Mahillon de Bruxelles, publie « Eléments d’acoustique musicale. »

Gustave Chouquet, quant à lui fait en 1875 le catalogue raisonné des instruments du musée du conservatoire » et Jules Gallay  la même année celui de l’Exposition universelle de Vienne en 1873.

En 1876 est publié par Julien Turgan, dans la série de ses « grandes usines » le volume sur les Établissements Thibouville-Lamy, qui constitue une consécration pour l’entreprise.

Les deux livres suivants vont me permettre de basculer du coté du carnet d’Amable Chevrier, et de faire ainsi une pose dans cette litanie littéraire.

En 1876 Emile Mennesson et Louis Fanard publient le Rapport lu à l’Académie nationale de Reims dans sa séance publique du 3 Août 1876... sur … les violons de M. Emile Mennesson, luthier à Reims.

Voila ce qu’en dit M. Chevrier, dans le glossaire des inventions :

« 1874. Un nommé Mennesson de Reims, par ses violons dits Guarinis a enfin découvert le grand secret des bons violons, grâce au vernis qu’il a découvert, et ayant soin d’en dépouiller les bords, le tour est joué… » Vous sentez la pointe d’ironie !

            Il avait dans ce passage sur les inventions traité d’une manière très neutre de Francis Chanot et Félix Savart, mais c’est dans sa note sur Charles Jean-Baptiste Collin Mézin qu’il se lâche vraiment ! Je cite in extenso :

« 1876. Collin-Mézin sort de découvrir le vrai secret. Il ne veut pas vous le divulguer, seulement il va vous en lâcher la partie théorique :

Premièrement par l’acoustique.

Deuxièmement par la sonorité des bois,

Troisièmement par la compensation de la barre, d’après la sonorité des bois, il obtient :

1) La grande sonorité, le son brillant et l’éclat, que n’ont plus les anciens violons :

2) La finesse, la douceur, l’égalité et la pureté des sons, qualités qui rendent l’émission facile.

3) La grande facilité de jeu, unie à une grande souplesse, ce qui donne naissance aux sons ronds, moelleux et limpides.

Et Amable Chevrier de commenter :

« Peut-on être plus bête et plus charlatan ? Peux-on compter plus effrontément sur la sottise ?..

La même année, Antoine Vidal publie un ouvrage en trois volume : « Les instruments à archet. Les feseurs, les joueurs d'instrument, leur histoire sur le continent européen, suivi d'un catalogue général de la musique de chambre. »

           Cahier d'amable Chevrier. Amable Chevrier en recopie des pans entiers, mais « à sa sauce » : Il classe  les luthiers par date et ajoute parfois un nom oublié. Il recopie de nombreuses illustrations que je vous livre pendant mon exposé.

C’est aussi décousu que l’ouvrage de Vidal qui traitait aussi de tout. Il commence par l’anecdote sur Renaudin avec des commentaires politiques personnels, ensuite il énumère les chefs de file des écoles italiennes, allemandes, hollandaises, belges, puis françaises.

Dans la foulée, il digresse sur Tarisio « espèce de brocanteur d’instrument italiens qui vient à Paris porteur d’une pacotille… J’en profite pour les plus jeunes que je vois sourire pour préciser que pacotille n’avait aucune connotation péjorative, mais voulait seulement dire « qu’on peut porter » comme des paquets !Cahier d'amable Chevrier.

 

 

 

 

Reprenant à Jean-François Lupot le sculpteur, il passe en revue Vaillant, Tourte, de nouveau Renaudin, puis  « Le Sourd Nicolas, Thibout, Chappuy, Gand, Grandgérard, Francis Chanot, Pique, le père Salle etc.

Après Breton, à la notice Lété, il reproduit assez fidèlement Vidal, mais ajoute : « Nous l’avons vu plus tard venir s’établir à Mirecourt, connu sous le nom de Mr Lété de Paris, où Nonon Jeanjou était l’âme de sa fabrique, et Antoine, le polonais réfugié, mettait les jeux en harmonie. Melle Lété a épousé M de Condé d’Epinal. » Je ne sais qui était Nonon Jeanjou et Evelyne Bonnetat n’est hélas plus là pour m’éclairer, mais le polonais est Antoine Fillipowicz, facteur d’orgues, qui était officier polonais réfugié.

Sous la plume du Mirecurtien, la saga de Vuillaume se fait aussi moralisatrice que sous celle du parisien. (Elevé dans une famille d’ouvriers honnêtes et laborieux, il y avait puisé au plus haut degré l’amour de l’ordre et du travail).

Victor Somny recopiant peut-être la leçon ajoutera qu’il était sobre !

Cahier d'amable Chevrier.Au sujet du passage de Vidal sur la correspondance de Vuillaume dont pas une lettre ne restait sans réponse, Amable Chevrier ajoute « A moins que si vous n’aviez pas joint un timbre poste !. »

En 1798, Amable ajoute Claude Chevrier et mentionne son surnom « Le Didiche » : Bonne lutherie, écrit-il. Sommaire pour qualifier son père !

Je passe la plupart des noms mais ne résiste pas au commentaire concernant Silvestre : « La maison continue avec « Le Pichon » comme ouvrier. » On sent le vécu.

A la notice sur Victor Rambaux, les récompenses obtenues énumérées par Vidal sont remplacées par le commentaire « Tartine ».

Autre notice : « Le Jules Gaillard, a appris son état chez nous. Est allé travailler à Paris. A obtenu une médaille à l’exposition de Paris, en 1855 »

Traitant de Charles Simonin de Toulouse : né à Mirecourt, fit son apprentissage à Paris chez Vuillaume. Après s’être marié, il retourna pendant quelques temps voir les paquis du bois-du-four ;

Sur Grandjon : « Le Grandjon fils, qu’ils appellent Grandson dans le livre de Vidal. Né à Mirecourt (le deuxième fils du Briqui) qui a appris son état chez son père est allé travailler à Paris, etc. » ou encore  Émile Germain appelé «  Le Lanlan »

            Dans ces notes sur Vidal, on trouve des commentaires aussi sur la partie technique.

            Ainsi, je vous livre les notes concernant l’âme : « Dans le violon, l’âme est une pièce qui, en dehors de ses attributions de solidité, est indispensable à la qualité du son ; si on l’enlève, il n’a plus de vigueur, il devient pauvre. On a cru qu’elle avait pour but de transmettre les vibrations de la table au fond ; erreur… Si on pose cette pièce non pas dans le violon, mais sur le violon, son action reste la même.

Voici comment on est arrivé à cette singulière expérience : on fait une espèce d’arcade en bois qui est tenue ou collée aux deux coins de derrière, ou aux bords ; on met l’âme entre cette arcade et la table ; le son est comme si l’âme était dedans. Si l’on place simplement un corps lourd sur la table le violon résonne comme s’il possédait cette pièce.

L’influence réelle de l’âme n’est donc pas pour mettre les vibrations de la table en communication avec le fond. »

Commentaire d’Amable : Non  Mr Vidal, mais bien pour recevoir du fond cette résistante qui fait la vigueur du son… (…) »

Plus loin : « Les pièces étant prêtes à être collées, la table doit donner l’ut dièse environ, et le fond, ré environ. On se rend compte de ces intonations en frottant le bord avec un archet, et les pièces isolées le mieux possible. Quand à la masse d’air renfermée dans l’instrument, il a été reconnu qu’elle produisait toujours 512 vibrations par seconde, soit l’ut bémol (Tiens, attrape, commente Amable…)

Ailleurs, il conteste qu’un violon sonne mieux sans vernis, puis décrit par le menu la théorie d’Eugène Mailland., avant de faire une généalogie complète des Lupot.

Il revient sur la lignée des Henry puis énumère les expériences de l’allemand Haensel, de Chanot, Savart et  Galbussi.

 

J’espère vous avoir déjà fait approcher par ce carnet, les connaissances et les conceptions en cette fin du 19ème siècle, mais reprenons notre bibliographie jusqu’à l’ouverture de l’école Thibouville :

En 1878, Rambosson publie « Les harmonies du son et l’histoire des instruments de musique, et Chouquet : Exposition universelle de 1878.

Nouvelle publication de Vidal la même année : Les vieilles corporations de Paris ; la Chapelle St. Julien, des ménestriers et des ménestrels à Paris.

L’année suivante d’un dénommé  Hervé, un autre rapport sur l’Exposition de 1878.

Nouveau livre de Mahillon en 1880 : Catalogue du musée instrumental du conservatoire royal de musique de Bruxelles. (Qu’il a créé et dont il assure la direction)

1881 voit de nouveau la réédition Fétis : Biographie universelle de la Musique et des Musiciens et bibliographie générale de la Musique. complétée par Arthur Pougin.

En 1882 Edouard Charles Albert Jacquot publie « La musique en Lorraine. »

Nouveau venu dans l’édition, Nicolas Eugène Simoutre publie en 1883 « Aux amateurs du violon, Historique, construction, réparation et conservation de cet instrument. »

En 1884 Gustave Chouquet réédite : Le Musée du Conservatoire National de Musique. Il le sera encore en 1894 puis en 1903

1885 voit la sortie du seul ouvrage de Léon Mordret : « La lutherie artistique »

La même année, De Pratis réédite  la chélonomie augmentée de notions d’expertises

En 1886 paraît la traduction d’un livre Anglais de Georges Hart édité en anglais 11 ans plus tôt : « Le violon, ses luthiers célèbres et leurs imitateurs »

Toujours en 1886 le luthier Albert  Jacquot poursuit sa carrière d’écrivain avec le Guide de l’art instrumental. Dictionnaire pratique et raisonné des instruments de musique anciens et modernes, orné de 30 dessins dans lequel on trouve une définition du téléphone dont je vous conseille la lecture.

Cette même année, Simoutre fait la promotion de ses inventions avec « Un progrès en lutherie » et l’année suivante « Second progrès en lutherie. »

Toujours en 1887 parait une réédition du « Nouveau Manuel complet du Luthier » de Maugin.

En 1888, sortie du nouveau manuel Roret du fabriquant de vernis, par Romain et en 1889, de nouveau un opuscule de Simoutre avec « Supplément aux amateurs du violon et au progrès en lutherie. »

En 1889, Jules Gallay réédite l’ouvrage de Bruni « Un inventaire sous la terreur » et enfin la même année, sort le livre de Vidal « La lutherie et les luthiers. », dictionnaire des luthiers en un volume reprenant et classant les informations de son ouvrage en trois volumes de 1876.

En 1890, paraît un traité de lutherie que je ne connais pas, écrit par L. Pierrard, puis le premier ouvrage d’Auguste Tolbecque : « Quelques considérations sur la lutherie. »

 

Pause dans cette bibliographie.

Vous avez retenu j’espère le message que je veux faire passer : Les livres sont publiés en général pour faire connaître une méthode nouvelle. Parfois aussi pour faire la promotion de l’auteur ou de son inspirateur (Lupot pour Sibire, Vuillaume pour Fétis ou Bernardel pour Tolbecque.

Vous aurez aussi noté au milieu du 19ème siècle l’apparition de livres prétendant révéler des méthodes anciennes, en particulier sur le vernis.

C’est potentiellement de tout ce bagage intellectuel dont disposent les élèves de l’école professionnelle que Jérôme Thibouville-Lamy, âgé de 57 ans crée en 1890 à Mirecourt.

            Politiquement en France, c’est une période d’agitation sociale. Cela a-t-il compté dans la décision ? En tout cas, Thibouville est un représentant de ce patronat paternaliste qu’on a tant décrié et qu’on regrette je pense aujourd’hui. Les patrons de l’entreprise ont-ils voulu seulement élever la qualité de leur production ? Il me parait évident qu’ils ont aussi fait le pari, avec cette école professionnelle de fabriquer leurs futurs clients au travers de luthiers complets, appelés à s’installer dans de grandes villes et à avoir des besoins en instruments fabriqués à Mirecourt, toutes qualités confondues. Calcul commercial donc.

J’ai entendu il n’y a pas si longtemps encore à propos de l’école nationale de lutherie ce débat ou ce dilemme : Choisir d’enseigner exclusivement la partie professionnelle et former des exécutants, ou laisser une bonne part à l’enseignement général, et former de futurs artisans complets et indépendants.

Voila une liste chronologique de luthiers issus de l’école Thibouville qui vous montrera que le calcul était bon et que nombre d’entre eux firent une brillante carrière :

Jules Sirgent né en 1869.

Mars Auguste Husson né en 1870 (archetier).

Marius Didier né en 1873, y fut apprenti à 13 ans et y sera ensuite premier ouvrier et formateur jusqu’en 1925, date de son installation à Mattaincourt.

Georges Frébinet né en 1874.

Paul Victor Chevrier né en 1874, qui était fils d’un des directeurs de la société, et qui s’installera à Châlon sur Saône.

Victor-Emile Somny né en 1875.

Paul Kaul né en 1875, qui s’installera à Nantes après avoir travaillé chez Silvestre et Maucotel et Vuillemin-Didion.

Emile Langonet né en 1880.

Karl Siebenhuner né en 1885, après être passé chez Mougenot.

André Léon Charles Pierre né en 1885.

Maurice Bourguignon né en 1885 qui s’installera à Bruxelles.

Auguste Grandadam né en 1885.

André Chevrier né en 1893, fils de Paul Victor.

Paul Bisch né en 1893, qui s’installera à Mirecourt.

Marceau Teyssandier né en 1894.

Georges Louis Raymond Petitcolas né en 1899 (qui travailla ensuite chez Caressa).

Auguste Marcel Bernard né en 1899 (archetier).

René Marichal né en 1903 à Belfort installé à Alger.

Paul O. Collot né en 1906.

Pierre Claudot, né en 1906 y apprit son métier sous la direction de Marius Didier, avant de s’installer à Marseille.

Gilbert Lotte né en 1907.

Marcel Lapierre né en 1907 (Archetier).

Paul Didier né en 1908, fils de Marius.

Henri Miller né en 1911.

Camille Barjonnet né en 1913.

Pierre Arthur Serdet né en 1914.

Louis Albert Marc Lotte né en 1914.

 

 

Les 5 cahiers de Victor Somny, auquel j’ai eu accès, sont ses prises de notes en cours.

Il n’y a pas un cahier de physique, un de musique, etc., non, tout est à la suite, avec parfois de nombreuses notes successives concernant une matière, comme si l’enseignement était dispensé par modules,  et parfois aussi, des changement de matières rapprochés, peut-être heure par heure. Ce coté un peu fouillis m’a rendu la tâche difficile.

Commencés théoriquement en 1890, une page du deuxième cahier est datée de Paris le 13 /2/ 1895. Victor a-t-il eu des cours si longtemps ? Certains ont-ils été dispensés dans la capitale ? Je n’ai pas pu répondre à ces questions. Sur la couverture d’un des cahiers, une main facétieuse a datée le début d’avant sa naissance, et la fin d’un 32 février. Je n’ai donc pu en tenir compte. Certains cours sont en double. Je ne sais pas non plus si il a redoublé ou choisi d’assister plusieurs fois aux mêmes enseignements, pour certaines matières.

Les cours sont toujours organisés sur le même modèle : sommaire, développement et conclusion qu’on appelle, en 1890 « dénouement ».

Je vous livre certains passages parfois abscons in extenso, et je ne corrige pas les erreurs de Victor. Certaines pages projetées ne sont pas lisibles, mais vous prouveront que j’ai vraiment bossé !

 

En Physique

L’enseignement commence par la propriété des corps, puis la pesanteur, la gravité, l’équilibre, stable, instable ou indifférent.

Le poids, la force d’attraction, leur mesure.

Chaleur, dilatation, évaporation, gaz, ébullition.

Température d’ébullition des différents liquides.

Distillation.

 

Dans un autre cahier, sous la même rubrique, on trouve des cours sur la physique du violon que je vous livre car ils sont caractéristiques des conceptions de l’époque :

La table.

La table doit vibrer à l’unisson de toutes les notes. Pour cela, elle doit posséder des fibres de toutes longueurs à partir de la note la plus basse, ce qui est produit au moyen des FF et de la courbe extérieure.

Le bois de la table doit être aussi élastique que possible (sapin)

Les fibres du bois doivent être régulièrement écartées et convenablement espacées et il ne  faut ni nœud ni autre défauts.

Condition de timbre.

C’est la nature du bois qui créé le timbre. Densité moyenne, pris dans le rayon moyen de l’arbre. Bois de couleur blanche, débité sur maille (…)

Conditions de résistance

Exige l’inégalité d’épaisseurs. Elle dépend de la pression du chevalet, de l’amplitude du patron, de la hauteur des voûtes.

La barre :

Rôle :   Elle donne plus de résistance à la table en la renforçant.

Elle conserve à la table toute sa rigidité sous la pression du chevalet et sous l’ébranlement des cordes.

Elle maintient ainsi la sonorité  du violon.

Condition : faire corps avec la table (ajustage parfait)

Condition de résistance : placée de champ et de fil

Conditions de légèreté : l’amincir aux extrémités. Epaisseur !

Position : Sous le pied droit du chevalet, elle doit être en sapin puisqu’elle doit faire corps avec la table.

Le fond :

Rôles : 1 Forme une paroi de la caisse

2 Augmente la résonance par sa réaction sur la table par l’intermédiaire de l’âme

3 Participe au timbre

Conditions :

Le fond doit être élastique et rebondissant. Ni trop dur ni trop résistant (le son serait sec et criard), ni trop mou (il manquerait d’éclat). On choisit l’érable sur maille et de préférence l’érable ondé.

Sa dimension et sa forme sont les même que celle de la table. L’épaisseur est plus forte au centre et amincie aux bords et il semble que l’épaisseur du fond devrait être réglée pour que la table et le fond donnent la même note..

L’âme :

Rôle :

Transmet au fond les vibrations du chevalet

Empêche la table de s’enfoncer et transmet au fond une partie de la pression du chevalet

Fixe l’épaisseur de la caisse et en conséquence la capacité de la caisse.

Conditions :

Elle doit transmettre le son rapidement (sapin)

Elle ne doit pas plier et doit être légère, donc ni trop petite, ni trop grosse. La forme cylindrique est plus avantageuse.

Sa position est derrière le pied gauche du chevalet. (On se place de l’intérieur)

En conséquence elle augmente l’intensité des sons notamment pour les cordes basses.

Les éclisses

Elles servent à fermer la boite. Peu d’influence sur la sonorité. Erable.

Les contre-éclisses.

Servent à consolider les éclisses (sapin et peuplier).

Les tasseaux

Servent à consolider l’ensemble du violon et à fixer le manche et le bouton.

Capacité volume de la caisse.

Rôle :

L’air de la caisse vibre et fonctionne comme une caisse de résonance (se rappeler l’expérience du diapason que l’on fait vibrer en face d’une éprouvette de longueur convenable.

En effet toutes les longueurs de tuyaux s’y trouvent représentées de façon à représenter toutes les notes. Plus le violon sera gros, plus le son sera intense.

Le volume est d’un peu moins de deux litres (moyenne 1920 ml)

Les FF mettent l’air intérieur en communication avec l’air extérieur.

Leur position, leur forme et leur dimension sont déterminées par l’expérience.

Enfin je passe sur le rôle de la touche, du manche et de l’archet dont on fait une descriptions aussi précises dans ses partie que du violon.

 

En chimie.

1ère leçon : Les corps. Solides, liquides et gaz

2ème leçon : Propriétés physiques et propriétés chimiques. Mélange et combinaison.

Décomposition de l’eau

3ème leçon : L’air, l’atmosphère, pesanteur, pression atmosphérique, compressibilité, élasticité, transparence et couleur, odeur et saveur

4ème leçon : Acide et base. Moyen de faire de l’oxygène en chauffant de l’eau et du chlorate de potasse

Ensuite : Combinaison de l’oxygène avec le souffre, le phosphore, le charbon, le fer, le magnésium.

La composition de l’air, les lois de la fusion, l’eau, le souffre, l’acide sulfurique, l’acide sulfhydrique, l’azote, le chlore, l’acide chlorhydrique, le charbon, la plombagine ou graphite, le charbon artificiel ou de bois, l’ammoniaque,

Notions sur les métaux :

Le fer, l’acier, le cuivre, le zinc, l’étain, le nickel, l’aluminium, l’argent et l’or

Alliages :

Le laiton (toutes les sortes et leur nom et usage)                                              Tableau

Maillechort, deux sortes                                                                                 Tableau

Le bronze

Ensuite des cours sur la potasse, la soude, le carbonate de potasse, le carbonate de soude, le sel marin, le salpêtre, l’eau de javelle, la chaux, le sulfate de chaux

Un chapitre traite des lois de combinaisons des corps.

On trouve ensuite des notions sur les couleurs, d’abord d’un point de vue physique, puis les compositions des diverses teintes d’une manière exhaustive. Comme exemple je ne citerai que les jaunes, mais je vous assure que pas une couleur n’est oubliée y compris les bleus et vert et qu’en lisant ces lignes j’ai mesuré à quel point j’étais inculte sur les teintes qui ne sont pas végétales :

1) Jaune naturel. Ocre : argile mêlé à de l’oxyde de fer. On en trouve des carrières en France (Nièvre, Cher, Lyonnais) et en Saxe. La terre de Sienne est de la terre que l’on trouve aux environs de Sienne (Italie)

2) Jaunes minéraux

La plupart sont à base de plomb. Tels sont le jaune minéral, le jaune de céruse, de Cassel, de Naples, d’Allemagne, et de chrome. Tous sont altérables par l’acide sulfhydrique.

Citons encore le jaune de cadmium, le jaune d’arsenic appelé aussi orpin ou réalgare qui est du sulfure d’arsenic.

3) Jaunes végétaux

Gomme gutte ou résine d’un arbre du cambodge.

Le jaune indien.

Le stil de grain qui provient des graines de Nerprun. etc

Pour le noir végétal, il y a une page entière sur la noix de galle et ses diverses provenances et qualités. !

Impressionnant, non ?

On signale que certaines couleurs ont besoin d’alumine pour se fixer.

Ensuite avec autant de précision, on trouve les résines liquides, puis solides (ce sont ces cours qui paraissent dispensés à Paris.)

Un chapitre traite de la manière de rendre l’huile siccative et on trouve des conseils pour l’application du vernis. Je vous lis les précautions.

- Conserver des flacons bouchés dans un endroit frais.

- Appliquer à l’abri de la poussière régulièrement et rapidement.

- Appliquer en couches fines d’épaisseurs régulières.

- Attendre qu’une couche soit sèche pour appliquer la suivante.

- Si le vernis est trop épais, l’éclaircir en ajoutant du dissolvant.

- Vernir à une température modérée. Et enfin :

- Si le vernis est mal appliqué, l’enlever pour recommencer.

De la composition des vernis

Pour obtenir la qualité de solidité et de souplesse à la fois qui permette aux vernis de résister aux frottements et de suivre le travail du bois, il faut employer des substances dont le séchage assure ces qualités. Aussi l’alcool et la gomme laque donnent un vernis solide mais manquant de souplesse. Les résines tendres ne dureraient pas. Il convient d’unir les résines tendres et dures et d’employer des essences ou des huiles qui ne disparaissent pas complètement après dessiccation.

Autrefois, il y a 400 ans on utilisait du Mastic, 2 onces, et de la térébenthine de Venise claire qu’on faisait bouillir.

Ou bien : Huile d’aspic, mastic, Sandaraque et térébenthine.

De l’encollage :

But de l’encollage : Empêcher le bois d’absorber dans ses vaisseaux et dans ses pores, les 1eres couches de vernis, ce qui nécessiterait un plus grand nombre de couche et rendrait l’instrument sourd.

Formules recommandées : Sandaraque, benjoin, ou bien Gomme gutte, aloès dans l’alcool.

On signale qu’on peut employer une solution légère de colle de poisson ou de Givet (résultat rencollage un peu lourd.)

Coloration

Pour colorer une essence, il faut dissoudre d’abord la matière colorante dans l’alcool, puis chauffer à la température d’eau bouillante. L’alcool distille et l’essence conserve la matière colorante, sang-dragon et gomme gutte.

Les luthiers crémonais devaient colorer leur essence.

Pour colorer les violons, on emploie habituellement les couleurs à l’eau, chromate, cachou, santal, rocou que l’on applique sur l’encollage.

Après coloration, on encolle de nouveau et ensuite on polit puis on vernit.

C’est confus, mais on retrouve Maillant, et des aussi des restes de méthodes plus anciennes.

 

Un cours entre chimie et botanique porte aussi sur les bois de lutherie et autres : (Sapin, épicéa, érable, chêne, hêtre, frêne, noyer, charmille, alizier, tulipier et buis, peuplier, aune et comme bois exotiques, ébène, palissandre, acajou, bois de fer, amourette, grenadille, bois de rose.

On énumère les placages : Le thuya (fond de guitare et plaque de mandolines), le noyer (fond de guitare), le bois de rose (ornementation des instruments), le palissandre (pour le fond des guitares, orgues de salon et pianos), ébène  (de Ceylan pour les manches de guitares), plane moucheté (pour guitares et violons), le citronnier et cédratier (pour les fonds de guitares), l’acajou (pour les meubles d’orgues et de pianos).

Comme matériaux on décrit la nacre en détail et sa composition.

Avant de clore sur les cours de chimie, notons qu’au moment opportun, le professeur a donné les recettes du vinaigre, de l’eau céleste et de la bouillie bordelaise. C’est toujours utile !

 

En technologie du bois

Le cours est peu différent d’aujourd’hui, mais beaucoup plus précis.

On développe les procédés d’abattage et les débits.

Plus original est la partie sur le séchage, intitulée « dessiccation » où l’on énumère les procédés :

Pour les bois non débités, on propose :

1 La dessiccation naturelle : par écorçage, équarrissage, séchage.

2 La dessiccation artificielle : par immersion dans l’eau ; flottage sur rivière ; immersion à l’eau chaude à 30° ; procédé Neumann (chauffage à la vapeur) ou par pénétration de la vapeur et enfin séchage à l’étuve.

Pour les bois  débités

Procédé naturel, à l’ombre et à l’abri de la pluie, mais aussi

Procédés artificiels

Procédé Davidson par courant d’air chaud de 30 à 40 degrés, procédé Allée par laminage en graduant la compression.

Pour la conservation des bois, on nous dit qu’il faut combattre l’albumine ou autres matières azotées qui se trouve sur le bois et qui sont cause de la fermentation.

On décrit la conservation au suif ; au goudron ; à l’eau salée ; à l’acide pyroligneux ; par les sels métalliques ; par injection, par la pression ou le vide ; et enfin par la peinture ou le vernis

Enfin à la suite, on trouve les procédés de coloration artificielle des bois, dont on attribue les premiers essais à Jean de Vérone, peintre italien du 16ème siècle.

En noir, vert, bleu jaune et rouge.

 

En acoustique, dans laquelle en 1890 on inclue la musique.

Après la définition  de mouvement, oscillation et vibration, on décrit la propagation du son, dans le vide, les gaz, les solides et les liquides. Ceci de manière très détaillée agrémentée d’expériences.

Pour la vitesse du son, on développe d’une part d’un point de vue historique, puis en fonction de la température, et pour les solides on détaille selon les différents métaux, puis en fonction de la variété de bois, et ceci longitudinalement et transversalement.

Suivent ensuite des notions sur la longueur d’onde, l’écho, puis la qualité de son, l’intensité, la hauteur, le timbre, la notion de mélodie et d’harmonie.

La gamme selon les pays, le dièse, le bémol, les intervalles. Leurs noms.

L’évolution du la (435 en 1870).

La succession des intervalles dans la gamme, et les multiplicateurs d’une note pour trouver son dièse, son bémol ou sa suivante avec des croquis très précis.

Les cordes :

Leurs compositions

Loi des longueurs,

Loi des épaisseurs

Loi des tensions,

Loi des densités

L’interférence

Pour chaque loi, on donne la formule mathématique et plusieurs exemples. Je n’ai pas souvenir que nous en ayant eu autant !

Les modes de vibrations

Ventres et nœuds

Harmonique, harmoniques simultanés

Le timbre

La mélodie

Les intervalles

 

En histoire des instruments de musique.

On commence par l’histoire du violon «Né des violes au commencement du 16ème siècle (sous François premier) » puis de l’alto, du violoncelle et de la contrebasse.

Ensuite on se penche sur les instruments à cordes qui ont précédés le violon (Crouth à 3 cordes ; Rubelle, rebelle ou rebec ; gigue et vièle.

On décrit et classe ensuite tous les instruments

Instruments à cordes pincées : La lyre, la harpe, la guitare, le piano,

les tuyaux sonores, la flûte, le flageolet, les instruments  à anches, les cuivres.

 

On énumère les artistes instrumentistes, d’abord anciens, classés par pays :

Italiens : Sivori

Français : Leclair, Gavines, Kreutzler, Rode, Baillot et Lafont.

Puis les artistes contemporains :

Allard , Dancla, Maurin, Armingaut, Lamoureux pour la France.

Spohr pour l’Allemagne.

Charles De Bériot, Léonard et Vieutemps pour la Belgique.

Vallace pour l’Angleterre.

Et Manfredi pour l’Espagne.

 

En Histoire de la lutherie.

Les cours, nous en avons déjà parlé au travers des livres et d’ Amable Chevrier, sont basés sur Fétis, Vidal et en dernier sur les ouvrages de Jacquot, y compris dans leurs erreurs et leurs errements.

Par exemple on commence par Jean Kerlino, soit disant plus ancien luthier connu inventé, nous le savons aujourd’hui par Koliker et son ouvrier Chevry.

Une caractéristique intéressante, on situe souvent un auteur dans son époque : par exemple Bocquay vivait sous le règne de Henry IV et Louis XIII, et Lagetto sous celui de Louis XIV. Nos aînés devaient ainsi situer les dates avec plus de facilité que nous.

Pour certaines erreurs je ne sais si elles proviennent du cours lui-même ou de la prise de notes.

            Pour commencer je cite : Le 1er luthier célèbre est Duiffoprugcart (Tyrol italien)

Venu à Paris appelé par François 1er puis s’en retourna à Lyon. On a son portrait entouré de ses instruments par le peintre Voiriot. Ce portrait a été fait à Nancy ‘ !!)  On cite Gaspard de Salo comme un de ses élèves.

A la note sur Stradivarius rien d’original si ce n’est une faute d’orthographe à la lisière du lapsus que je trouve très beau : Cet auteur perfectionna la volupte !

Pour les luthiers français je cite de nouveau : Jusqu’au 17ème siècle, la lutherie française est sans importance.

En 1599 les luthiers sont réunis en corporation. Pour être maître et tenir boutique, il fallait

1) faire 6 années d’apprentissage, excepté les fils de maître

2)  faire un chef d’œuvre et être reçu par deux jurés.

3) Payer 500 livres (les fils de maîtres ne payent que 200.

4) Avoir un certificat de bonne vie et moeurs.

La corporation était placée sous le patronage de Ste Cécile.

Les principaux luthiers de cette époque sont Renaud, François, Jean et Nicolas Médar, Bocquay, Pierray.

C’est à la suite du voyage de Duyffoprucart en France que Renaud apprend ce métier. (Il était de Nancy). Renaud a travaillait en 1638, il est le fondateur de la lutherie Lorraine.

 

Voila donc pour l’enseignement dispensé chez Thibouville et dont ont bénéficié les luthiers que je vous ai listé tout à l’heure.

Il est évident que les derniers formés ont bénéficié d’une littérature toujours grandissante, et nous allons voir sommairement les publications postérieures à 1890.

 

Reprenons donc et rassurez vous se sera court :

En 1893 Henry Coutagne sort son livre sur Gaspard Duiffoprougkar et les luthiers lyonnais du XVème  siècle, et l’année suivante Constant Pierre son ouvrage sur les facteurs d’instruments de musique.

En 1894 toujours notons des publications d’Eugène De Bricqueville, et de Robert Fissore sous le pseudonyme de R Dupuich.

1894 voit aussi la sortie d’une nouvelle édition  du Maugin  dans la collection des manuels Roret. L’auteur s’est adjoint W Maigne.

En 1895 sort un petit opuscule d’Albert Caressa sur le lever du soleil, premier violon incrusté fait par Antonius Stradivarius à Crémone en 1677, mais aussi un nouvel ouvrage de Bricqueville et le livre de Laurent Grillet « Les ancêtres du violon. »

L’année suivante, Victore Charles Mahillon sort un nouvel ouvrage. Jacquot quant à lui s’intéresse aux Médard, puis en 1897 à la lutherie décorative à l'exposition de Bruxelles.

En 1898 second ouvrage de Tolbecque : « Notice historique sur les instruments à cordes et à archet. »

En 1900 Louis Doyen puis toujours Fissore et ses « Maîtres luthiers » qui remet ça l’année suivante avec « La lutherie. »

En 1901, Eugène De Bricqueville et Constant Pierre s’intéressent à l’Exposition universelle de 1900, tandis que Laurent Grillet complète ses recherches avec « Les ancêtres du violon et du violoncelle. Les luthiers et les fabricants d'archets » en 2 tomes. 

1902 voit la publication du magnifique « Stradivarius » de William Hill et fils, et d’un nouveau livre de Pierrard sur « Le violon »

En 1903 puis 1904 Jacquot s’intéresse aux luthiers lorrains, et enfin, sort l’ouvrage de référence d’Auguste Tolbecque : « L’art du luthier. »

Quatre livres en 1908 : « De Bricqueville sur les ventes d’instruments de musique au XVIII siècle », et « La viole ». Lucien Greilsamer : « Le vernis de Crémone, étude historique et critique. », et Paul Kaul : « L'idolâtrie italienne : réplique d'un luthier moderne. »

A noter aussi en 1909 « Les Guarnérius » d’Arthur Pougin

En 1911 de Lucien Greisamer : « L’hygiène du violon, de l’alto et du violoncelle ».

Jacquot sort enfin en 1912 « La Lutherie Lorraine et Française depuis ses origines à nos jours. Cet ouvrage rétablira de nombreuses erreurs des Vidal, Fétis, et même de Jacquot lui-même dans ses livres précédents, mais il reste des coquilles !

Les années suivantes voient la sortie d’un nouvel opuscule de Caressa et Français sur « Le chant du cygne », de 3 ouvrages de Fissore, 2 de Greilsamer, et un de Pougin

En 1915 sort le « Chanot de Pierre Vidoudez. Plus rien avant 1919 ou sort un fascicule : « La lutherie pendant la guerre. » de Victor Joseph Charotte, et l’année suivante celui de Georges Sadler à la gloire de Marc Laberte).

Notons  en 1922 Les grotesques de la lutherie. Les concours de sonorité, la fin d'une nouvelle légende, de Paul Kaul, et en 1924 « L’Anatomie et la Physiologie du Violon, Alto et Violoncelle » de Greilsamer. Et le dictionnaire « Poidras » qu’il complétera par de nombreux additifs les années suivantes.

En 1927 Antonio Bagatella publie ses « Règles pour la construction » et le Docteur Jules Louis Chenantais « Le violoniste et le violon : causeries psychologiques, critiques et techniques. », et Paul Kaul polémique avec « La querelle des Anciens et des Modernes ».

C’est en 1932 que sort le premier « Vannes », qui est seulement un « Essai d'un Dictionnaire Universel des Luthiers.

En 1934 Jean Persyn publie son « Paul Kaul et la renaissance de la lutherie. » et Lucien Schmitt « Le rabot pour la plume. »

Rien durant le deuxième conflit mondial. Il faut attendre  1946 pour qu’Emile Leipp sorte en 1946 son premier ouvrage intitulé : « Essai sur la lutherie : étude rationnelle des influences respectives de la construction et du vernissage sur la sonorité des instruments du quatuor. Considération sur le vernis de Crémone. »

En 1948 Francine Cabos  sort « Le violon et la lutherie » avec une préface d'Emile Français, en 1951 Sourène Arakélian son premier livre sur le violon, qui précède celui sur son vernis à base de myrrhe, Blandin publie son opuscule sur les luthiers de Normandie, et Paul Kaul un nouveau pamphlet, tandis que René Vannes termine enfin son « Dictionnaire universel des luthiers ».

En 1952 Emile Leipp  publie un ouvrage sur la sonorité des instruments à cordes, tandis que Roger et Max Millant,  pour la lutherie et Charles Maillot pour les cordes sortent un manuel pratique qui sera sur l’établi de tous les élèves de l’école nationale dès sa création et plusieurs fois réédité.

Les années suivantes verront sortir divers ouvrages d’auteurs précédemment cités, en particulier « Le violon » d’Emile Leipp qui sera une bible pour ma génération. C’est aussi le début des ouvrages d’historiens extrêmement précis et fouillés comme ceux de Sylvette Millot.

Citons pour finir en 1972 le « Vuillaume » de Roger Millant qui sera réédité en 1979. Le Vanne quant à lui est réédité en 1972 puis 75 et 79.

Pour les archets, c’est six ans après l’ouverture de l’école qu’Etienne Vatelot sort ses deux volumes sur les archèterie française.

            J’arrête ici l’énumération, car l’explosion du nombre de publications nécessiterait une heure supplémentaire. Chacun peu aussi se questionner sur ses lectures et donc sur ses propres influences.

 

            J’ai atteint mon premier but, qui était de vous faire traverser un siècle de bagage intellectuel des luthiers français. Je ne sais si j’ai atteint mon deuxième but qui était de ne pas vous endormir, mais je vais terminer par une anecdote et quelques réflexions.

En 1972, la bibliothèque de l’école de lutherie était inexistante, aussi avec mon complice Jean-Philippe allions nous le dimanche matin à la bibliothèque municipale, détournant une autorisation de sortir pour aller exclusivement à la messe.

Nous recopiions à l’époque des ouvrages anciens entiers, n’imaginant pas que nous pourrions un jour nous les procurer. C’est d’ailleurs du jour où nous avons été découverts dans notre désobéissance que nous eûmes l’autorisation de sortir le dimanche matin quelle qu’en fut la raison, y compris du coup, pour aller à la vosgienne !

Aujourd’hui l’école possède ses ouvrages en propre, et la bibliothèque municipale est très bien achalandée. Nous avons à notre disposition des outils de rêve, mais les temps ont changés : la transmission du savoir passe aussi et hélas surtout par le numérique. Internet est le premier outil utilisé pour le meilleur et pour le pire. Il n’était déjà pas facile avec les livres d’avoir du discernement sur les méthodes proposées, C’est devenu mission impossible avec un outil qui cite trop rarement ses sources. Par ailleurs le brassage des méthodes est tel et l’information circule si vite, que l’on voit les styles se fondrent. Il suffit qu’un hurluberlu persuasif essaie un vernis couleur carotte pour que le monde de la lutherie fasse des rêves orange. Suffira-t-il qu’un autre un jour badigeonne ses instruments d’un produit hautement toxique pour que le monde de la lutherie moderne s’éteigne 

 

              

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luthiers@luthiers-mirecourt.com

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